La présente recherche relève du domaine de la littérature comparée et vise à rapprocher l’oeuvre du poète augustéen Virgile avec la poésie française et néolatine de l’humaniste Joachim Du Bellay, traduction à l’appui. Deux axes de recherche la guideront : il est d’abord question d’étudier l’influence des chefs-d’oeuvre de Virgile1 dans la poésie préromaine de l’Angevin, i.e. des recueils composés et publiés en France2. Ensuite, il s’agit d’examiner l’influence virgilienne dans sa poésie néo-latine, le corpus étant constitué des Poemata. Contrairement à la notoriété des ouvrages virgiliens, les recueils poétiques bellayens à l’étude ont été longtemps délaissés par la critique littéraire. Une étude individuelle permet donc de redorer leur image par rapport aux autres recueils romains très étudiés dans les littératures française et néo-latine de la Renaissance.
Dans un premier temps, l’étude de l’intertextualité est précédée d’une contextualisation à la fois biographique et bibliographique qui établit des parallèles et divergences entre le Romain et le Français : il en résulte qu’ils étaient similairement impliqués dans des enjeux politiques et culturels contemporains, malgré les 1500 ans qui les séparent. Cette première partie de notre enquête fournit à tout lecteur non-initié tous les savoirs disciplinaires requis pour comprendre la suite de l’enquête, respectivement sert de rappel à tout lecteur confirmé. Dans une deuxième partie, après avoir repéré les traits stylistiques virgiliens que Du Bellay préconise dans la Deffence, nous étudions les caractéristiques de l’intertextualité entre le corpus poétique français et la poésie de Virgile. Une fois les premiers traits dégagés et les premières tendances stylistiques définies, nous nous penchons, dans une troisième phase, sur l’influence virgilienne dans les Poemata afin de vérifier comment la présence de Virgile y a évolué, respectivement pour connaître les changements subis. En plus des enjeux littéraires suscités, cette recherche indique de quelle façon un humaniste parvient à mettre au profit de sa poésie renaissante des emprunts provenant de textes majeurs antiques. A cheval entre émulation et perversion du texte antique, l’étude montre que Du Bellay parvient à introduire dans plusieurs poèmes un langage épique inspiré principalement de l’Énéide et des Géorgiques. Il apparaît également que les traits stylistiques virgiliens (les archaïsmes, les occurrences mythologiques, les citations d’hexamètres etc.) ponctuent régulièrement le corpus étudié et que Du Bellay reste donc fidèle à ses propres préceptes définis dans la Deffence. Malgré un registre épique omniprésent, l’Angevin ne cède que peu au genre de l’épopée, si ce n’est pour la parodier, mais privilégie des sujets contemporains (p. ex. pétrarquistes) qu’il expose dans un langage poétique virgilien revisité. Le style complet inspiré en partie de Virgile et acquis au cours de sa carrière bénéficie avant tout aux Poemata où le poète se libère davantage par rapport à sa poésie française antérieure : l’humaniste emploie tantôt ses acquis pour renouveler des genres littéraires tombés en désuétude, mais aussi pour rester en accord avec la tendance de son siècle.